Quoi ! la justice est un vice ?
Non, c’est une folie généreuse.
Et n’appelles-tu pas l’injustice méchanceté ?
Non, c’est prudence.
Les hommes injustes te semblent-ils sages et habiles ?
Oui, ceux qui sont injustes parfaitement, et assez puissans pour mettre sous leur joug des états et des peuples. Tu crois peut-être que je voulais parler des coupeurs de bourse ; ce n’est pas que ce métier n’ait aussi ses avantages, tant qu’on l’exerce avec impunité ; mais ces avantages ne sont rien en comparaison des autres.
Je conçois très bien ta pensée ; mais ce qui me confond, c’est que tu appelles l’injustice vertu et sagesse, et que tu mettes la justice dans les qualités contraires.
C’est néanmoins ce que je fais.
Cela est bien dur, et je ne sais plus comment m’y prendre pour te combattre. Si tu disais simplement, comme quelques uns, que l’injustice est utile, mais que c’est un vice et qu’elle est honteuse en soi, nous pourrions, pour te répondre, en appeler à l’opinion générale. Mais après avoir osé appeler l’injustice vertu et sagesse, tu ne balanceras pas sans doute à lui attribuer aussi la beauté, la force et tous les autres caractères que nous donnons à la justice.