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mal, ce qui le courrouce, et, sans faire d’autre distinction, réduisant le juste et le beau à ce qui satisfait les nécessités de la nature, parce que la différence essentielle qui existe entre le bien et la nécessité, cet homme ne peut la voir ni la montrer aux autres. Certes, un tel maître ne te semblerait-il pas bien étrange ?

Oui.

Eh bien, quelle différence y a-t-il de cet homme à celui qui fait consister la sagesse à connaître le goût et les fantaisies d’une multitude rassemblée au hasard, soit qu’il s’agisse de peinture, de musique, ou bien de politique ? N’est-il pas évident que, si quelqu’un se présente devant cette assemblée pour lui faire connaître un poème ou un autre ouvrage d’art ou un projet de service public, s’en remettant à la discrétion de la foule, c’est pour lui une nécessité suprême, invincible[1], de faire ce qu’elle approuvera ? Or, as-tu jamais entendu un seul de ceux qui la composent prouver, par des raisons qui ne fussent pas très ridicules, que ce qu’il juge bon et beau est tel qu’il le juge ?

Non, jamais, et je n’y compte guère.

  1. Le texte : une nécessite Diomédéenne. L’origine de cette locution est très incertaine. Voyez le Scholiaste de Platon, et celui d’Aristophane, Ecclesiaz., v. 1021.