Tant que les philosophes ne seront pas rois, ou que ceux qu’on appelle aujourd’hui rois et souverains, ne seront pas vraiment et sérieusement philosophes ; tant que la puissance politique et la philosophie ne se trouveront pas ensemble, et qu’une loi supérieure n’écartera pas la foule de ceux qui s’attachent exclusivement aujourd’hui à l’une ou à l’autre, il n’est point, ô mon cher Glaucon, de remède aux maux qui désolent les États, ni même, selon moi, à ceux du genre humain, et jamais notre État ne pourra naître et voir la lumière du jour. Voilà ce que j’hésitais depuis long-temps à dire, prévoyant bien que je révolterais par ces paroles l’opinion commune ; en effet il est difficile de concevoir que le bonheur public et particulier tienne à cette condition.
Tu n’as pu, mon cher Socrate, proférer un semblable discours, sans t’attendre à voir beaucoup de gens, et des gens de mérite, se dépouillant pour ainsi dire de leurs habits, et s’armant de tout ce qui se trouverait sous leur main, venir fondre sur toi de toute leur force, et disposés à faire des merveilles. Si tu ne les repousses avec les armes de la raison, tu vas être accablé de railleries, et tu porteras la peine de ta témérité.
C’est aussi toi qui en es la cause.