dangereux, et on doit craindre, non de faire rire (cette crainte serait puérile), mais de s’écarter du vrai et d’entraîner avec soi ses amis dans l’erreur sur des choses où l’erreur est funeste. Ô Glaucon, je conjure Adrastée[1] de faire grâce à ce que je vais dire ; car je crains que ce ne soit un moindre crime de tuer involontairement quelqu’un que de le tromper sur le beau, le bon, le juste et les lois. Aussi vaut-il mieux en courir le danger avec ses ennemis qu’avec ses amis. Voilà pourquoi tu as tort de me presser.
Socrate, reprit Glaucon en souriant, si tes discours nous jettent dans quelque erreur, nous nous désisterons de toute action contre toi, comme dans le cas d’homicide, et nous t’absoudrons du crime de nous avoir trompés. Parle donc sans crainte.
À la bonne heure ; puisque dans le premier cas on est déclaré innocent, aux termes de la loi, quand il y a désistement, dans le cas actuel il est assez probable qu’il doit en être de même.
C’est une raison de plus pour toi de parler.
Je vais donc reprendre maintenant un sujet qu’il eût peut-être mieux valu traiter de suite, quand l’occasion s’en est présentée. Aussi ne
- ↑ Adrastée ou Némésis, fille de Jupiter, punissait les meurtres même involontaires.