Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

adroit à porter des coups, soit à la lutte, soit à la guerre, n’est-il pas aussi le plus adroit à se garder de ceux qu’on lui porte ?

Oui.

Et celui qui est le plus habile à se garder d’une maladie et à la prévenir, n’est-il pas en même temps le plus capable de la donner à un autre ?

Je le crois.

Mais quel est le plus propre à garder[1] une armée ? N’est-ce pas celui qui sait dérober les desseins et les projets de l’ennemi ?

Sans doute.

Par conséquent le même homme qui est propre à garder une chose, est aussi propre à la dérober.

À ce qu’il semble.

Si donc le juste est propre à garder de l’argent, il sera propre aussi à le dérober ?

Du moins, c’est une conséquence de ce que nous venons de dire.

À ce compte, l’homme juste est donc un fri-

  1. Premier sophisme sur le double sens de φυλάξαι se garder et garder. Socrate conclut d’abord d’un sens à l’autre. Ensuite, sur cette supposition que, qui peut se garder d’un coup peut aussi le porter, il en conclut que qui peut garder une chose peut aussi la dérober. Ces jeux de mots étaient les armes ordinaires des Sophistes, et Socrate les emploie ici contre eux par ironie.