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L’autorité de Simonide est imposante[1] : c’était un sage, un homme divin. Mais peut-être, Polémarque, entends-tu ce qu’il dit ; pour moi, je ne le comprends pas. Il est évident qu’il n’entend pas qu’on doive rendre, comme nous disions tout à l’heure, un dépôt quel qu’il soit, lorsque celui qui le réclame n’a plus sa raison. Cependant ce dépôt est une dette ; n’est-ce pas ?

Oui.

Et pourtant il faut bien se garder de le rendre à qui n’a plus sa raison.

Certainement.

Simonide a donc voulu dire autre chose, en disant qu’il est juste de rendre à chacun ce qu’on lui doit.

Sans doute, puisqu’il pense que la dette de l’amitié est de faire du bien à ses amis, et de ne jamais leur nuire.

J’entends. Ce n’est point rendre à son ami ce qu’on lui doit que de lui remettre l’or qu’il nous a confié, lorsqu’il ne peut le recevoir qu’à son préjudice. N’est-ce pas là le sens des paroles de Simonide ?

Oui, dit Polémarque.

Mais, repris-je, faut-il rendre à ses ennemis ce qu’on se trouvera leur devoir ?

  1. C’est une ironie ; car Simonide était le poète favori des Sophistes. Voyez le Protagoras.