Le bon juge ne sera donc pas un jeune homme, mais un vieillard qui ait acquis une connaissance tardive de l’injustice, et qui la connaisse, non pour la trouver dans son ame, mais pour avoir étudié à force de temps, dans l’ame des autres, tout ce qu’elle a de mal, par la science seule et non par sa propre expérience.
C’est bien ainsi que je conçois le vrai juge.
Et, c’est un bon juge, comme tu en demandais, car celui qui a l’ame bonne est bon.
Au contraire, cet homme si habile, si prompt à soupçonner le mal, qui lui-même ayant commis mille injustices, se croit d’une adresse et d’une prudence consommée, sans doute, lorsqu’il est en rapport avec ses semblables, paraît d’un tact merveilleux, grace aux indications que lui fournit sa propre conscience ; mais qu’il se trouve avec des gens de bien déjà avancés en âge, alors son incapacité se dévoile par des défiances déplacées et par l’ignorance où il est des caractères de l’honnêteté, dont il n’a point le modèle en lui-même. Mais comme il a plus souvent commerce avec les méchans qu’avec les gens de bien, il passe plutôt pour éclairé que pour ignorant à ses propres yeux et à ceux des autres.
Rien de plus vrai.
Ce n’est donc pas dans cet homme, mais dans l’autre, qu’il faut chercher le bon et habile juge.