avoir appris de bonne heure les principes de son art, aurait fait connaissance avec le plus grand nombre de corps et les plus mal constitués, et qui lui-même d’une santé naturellement mauvaise, aurait eu toutes sortes de maladies ; car ce n’est point par le corps que les médecins guérissent le corps, autrement ils ne devraient jamais être malades par nature ou par accident ; c’est par l’ame, laquelle ne peut bien guérir quelque mal que ce soit, si par nature ou par accident elle est malade elle-même.
Bien.
Mais le juge, mon cher, commande à l’ame par l’ame ; et il ne convient pas à l’ame d’avoir eu de bonne heure commerce et habitude avec des hommes pervers, ni d’avoir elle-même passé par la pratique de tous les crimes, afin que sa propre injustice la rende habile à apprécier l’injustice d’autrui, comme les maladies du médecin lui font reconnaître celles des autres ; au contraire, il faut que cette ame ait été, dès l’enfance, innocente et pure de vice, afin que la vertu lui donne le discernement exact de ce qui est juste. C’est aussi pourquoi les gens de bien dans la jeunesse sont simples et facilement trompés par les méchans, parce qu’ils n’ont rien dans le cœur qui leur révèle celui des méchans.
Oui, je l’avoue, ils sont bien souvent trompés.