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lards peu riches et chagrins que la pauvreté peut rendre la vieillesse pénible au sage même, mais que sans la sagesse, jamais la fortune ne la rendrait plus douce.

Céphale, repris-je, as-tu hérité de tes ancêtres la plus grande partie de tes biens, ou l’as-tu amassée toi-même ?

Ce que j’ai amassé moi-même, Socrate ? Je tiens en ceci le milieu entre mon aïeul et mon père : mon aïeul, dont je porte le nom, avait hérité d’un patrimoine à peu près égal à celui que je possède, et l’accrut considérablement, et mon père Lysanias m’a laissé moins de biens que tu ne m’en vois. Pour moi, il me suffit de transmettre à mes enfans que voici, la fortune de mon père, sans l’avoir diminuée ni sans l’avoir beaucoup augmentée.

Si je t’ai fait cette question, lui dis-je, c’est que tu m’as paru fort peu attaché à la richesse : ce qui est ordinaire à ceux qui ne sont pas les artisans de leur fortune ; au lieu que ceux qui la doivent à leur industrie y sont doublement attachés ; ils l’aiment d’abord, parce qu’elle est leur ouvrage, comme les poètes aiment leurs vers et les pères leurs enfans[1], et ils l’aiment encore, comme tous les autres hommes, pour l’utilité

  1. Aristote a imité cette pensée, Morale à Nicomaque, IV, 1, et liv. IX, 4.