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ceux qui n’ont pas le talent de s’expliquer, tâcher de te faire saisir ma pensée, non plus sous des formes générales, mais par des exemples de détails. Réponds-moi : tu sais qu’au commencement de l’Iliade, Homère raconte que Chrysès pria Agamemnon de lui rendre sa fille, et que celui-ci ayant refusé avec emportement, Chrysès supplia Apollon de le venger de ce refus sur l’armée grecque.

Je sais cela.

Tu sais encore que jusqu’à ces vers :


… Il implorait tous les Grecs
Et surtout les deux Atrides, chefs des peuples[1] ;


Le poète parle en son nom, et ne cherche point à détourner la pensée sur un autre que lui, comme s’il ne parlait pas lui-même. Mais après ces vers, il parle comme s’il était devenu Chrysès, et il s’efforce de nous faire croire que celui qui parle n’est plus Homère, mais le vieillard, prêtre d’Apollon. La plupart des récits de l’Iliade et de l’Odyssée sont de ce genre.

Il est vrai.

N’y a-t-il pas toujours récit, soit que le poète parle lui-même, soit qu’il fasse parler les autres ?

  1. Iliade, I, 15, 16.