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Je ne te comprends pas encore.

[382b] Tu crois que je dis quelque chose de bien relevé. Non ; je dis que ce qu’on supporte avec le plus de peine, c’est d’être trompé ou de l’avoir été, c’est-à-dire d’ignorer ce qui est ; c’est dans l’ame que personne ne veut avoir ni garder le mensonge, et c’est là surtout qu’il excite la haine.

À la bonne heure.

Le vrai mensonge, c’est donc, avec beaucoup de justesse dans l’expression, l’ignorance qui affecte l’ame de celui qui a été trompé ; car le mensonge qui se produit au dehors par la parole est une imitation de ce qui se passe dans l’ame, une sorte de copie qui le manifeste plus tard ; ce n’est pas un mensonge [382c] dans toute sa pureté. N’est-il pas vrai ?

Tu as raison.

Le vrai mensonge est détesté non seulement des dieux, mais des hommes.

Je le pense.

Mais pour le mensonge dans les paroles, n’est-il pas des circonstances où il perd ce qu’il a d’odieux, parce qu’il devient utile ? et n’a-t-il pas son utilité, lorsqu’on s’en sert, par exemple, contre des ennemis, ou même envers un ami que la fureur ou la démence porterait à quelque mauvaise action, le mensonge devenant alors un remède qu’on emploie pour le détourner de son