l’on servira sur du chaume ou des feuilles bien nettes ; ils mangeront, eux et leurs enfans, couchés sur des feuilles d’if et de myrte ; ils boiront du vin, chanteront les louanges des dieux, couronnés de fleurs, vivant ensemble joyeusement, et ne faisant pas plus [372c] d’enfans qu’ils n’en peuvent nourrir, dans la crainte de la pauvreté ou de la guerre.
Ici Glaucon m’interrompant : il paraît, me dit-il, qu’ils n’auront rien à manger avec leur pain.
Tu as raison, lui dis-je ; j’avais oublié qu’ils auront encore du sel, des olives, du fromage, des ognons et les autres légumes que produit la terre et qu’on peut cuire. Je ne veux pas même les priver de dessert. Ils auront des figues, des pois, des fèves, et feront griller [372d] sous la cendre les baies du myrte et les faînes du hêtre qu’ils mangeront en buvant modérément. C’est ainsi que, tranquilles et pleins de santé, ils parviendront jusqu’à la vieillesse et laisseront à leurs enfans l’héritage de cette vie heureuse.
Si tu formais un État de pourceaux, les engraisserais-tu autrement ? s’écria-t-il.
Que faut-il donc faire, mon cher Glaucon ?
Ce qu’on fait d’ordinaire. Si tu veux qu’ils soient à leur aise, fais-les manger à table, coucher sur des lits, [372e] et sers-leur les mets et les desserts qui sont en usage aujourd’hui.