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et avec le plus de facilité sur Homère, et c’est aussi l’avis de tous ceux qui m’entendent ; tandis que je ne saurais rien dire sur les autres poètes. Vois, je te prie, d’où cela peut venir.

Socrate.

Je le vois, Ion, et je vais t’exposer ma pensée [533d] là-dessus. Ce talent que tu as de bien parler sur Homère n’est pas en toi un effet de l’art, comme je disais tout à l’heure : c’est je ne sais quelle force divine qui te transporte, semblable à celle de la pierre qu’Euripide a appelée Magnétique, et qu’on appelle ordinairement Héracléenne[1]. Cette pierre non-seulement attire les anneaux de fer, mais leur communique la vertu de produire le même effet, et d’attirer d’autres [533e] anneaux ; en sorte qu’on voit quelquefois une longue chaîne de morceaux de fer et d’anneaux suspendus les uns aux autres, qui tous empruntent leur vertu de cette pierre. De même la muse inspire elle-même le poète ; celui-ci communique à d’autres l’inspiration, et il se forme une chaîne inspirée. Ce n’est point en effet à l’art, mais à l’enthousiasme et à une sorte de délire, que les bons poètes épiques

  1. Magnésie et Héraclée, villes de Lydie où se trouvait l’aimant, qu’on appelait aussi pour cela pierre de Lydie.