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trouve ici de difficultés. Peut-être que, suivant le vieux proverbe, c'est la beauté qui fait l'amitié[1]. Aussi bien notre sujet est-il quelque chose de délicat, de lisse et de poli, [216d] et, à cause de cela, il pourrait encore nous échapper et nous glisser entre les doigts. Je dis donc que le bon est beau. N'est-ce pas ton avis ? — Oui. — Je dis encore, comme par divination, que ce qui aime le beau et le bon n'est ni l'un ni l'autre. Or, écoute ce qui me fait hasarder ces conjectures un peu en aveugle. Je crois apercevoir trois genres distincts ; d'abord le bon, puis le mauvais, ensuite ce qui n'est ni bon ni mauvais. Les distingues-tu aussi ? — Oui. — Je vois que ni le bon n'est aimé du bon, ni le mauvais du mauvais, [216e] ni le bon du mauvais : c'est ce que nos raisonnemens précédens nous défendent d'admettre ; il ne reste donc, pour qu'il y ait lieu à l'amitié, que le rapport de ce qui n'est ni bon ni mauvais à ce qui est bon ou à ce qui lui ressemble : car pour le mauvais, en aucun cas il ne peut être aimé. — Fort bien. — Mais, disions-nous, le semblable ne peut être non plus aimé de son semblable. N'est-ce pas ? — Oui. — Ainsi, pour ce qui n'est

  1. Voyez le treizième vers de Théognis où il fait dire aux Grâces : Ce qui est beau est aimé ; ce qui n'est pas beau n'est pas aimé.