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tice et la tempérance, ils écoutent tout le monde, et ils font bien ; car il faut que tous participent à la vertu politique, ou il n’y a point de cités. Telle est, Socrate, la raison de cette conduite.

Et afin que tu ne penses pas que je te trompe, en disant que tous les hommes sont véritablement persuadés que chaque particulier a sa part de la justice et des autres branches de la vertu politique, en voici une preuve que je te prie d’écouter. Par rapport aux autres talens, comme tu dis, si quelqu’un se donne pour bien jouer de la flûte, ou pour posséder quelque autre art qu’il ne possède point, on s’en moque, [323b] ou l’on s’emporte contre lui, et ses proches s’avançant tâchent de lui remettre la tête comme à un insensé. Mais pour ce qui est de la justice et des autres vertus civiles, lors même que l’on sait qu’un homme est injuste, s’il lui échappait de dire la vérité contre lui-même en présence de plusieurs personnes, l’aveu de la vérité qui aurait passé dans le cas précédent pour sagesse, passerait ici pour folie : et l’on tient qu’il faut que tous se disent justes, qu’il le soient ou non, sous peine d’être réputé insensé, si l’on ne se donne pour tel : parce que c’est une nécessité [323c] que tout homme, quel qu’il soit, participe de quelque manière à la justice, ou qu’il ne soit point compté parmi les hommes.