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qu’il représente comme tourmentés pour toujours aux enfers[1], sont des rois et des potentats, comme Tantale, Sisyphe et Titye. Quant à Thersite et aux autres méchans qui ont vécu dans une condition privée, aucun poète ne l’a représenté souffrant les plus grands supplices comme ayant commis des crimes inexpiables, sans doute parce qu’il n’avait pas tout pouvoir ; en quoi il était plus heureux que ceux qui pouvaient tout. En effet, mon cher Calliclès, c’est des puissans que viennent les plus grands criminels. Rien n’empêche pourtant qu’il ne se rencontre parmi eux des hommes vertueux, et on ne saurait assez les admirer. Car c’est une chose bien difficile, Calliclès, et digne des plus grandes louanges, de vivre long-temps dans la justice, lorsqu’on a une pleine liberté de mal faire ; et il se trouve très peu de caractères de cette trempe. Il y a eu néanmoins, et dans cette ville et ailleurs, et il y aura sans doute encore des personnages excellens en ce genre de vertu, qui consiste à administrer suivant les règles de la justice ce qui leur est confié. De ce nombre a été Aristide, fils de Lysimaque, qui s’est acquis par là tant de célébrité dans toute la Grèce[2] ; mais la plupart des hom-

  1. Hom. Odyss., liv. XI, v. 581, sqq.
  2. Quand les Grecs se préparèrent à faire les frais d’une guerre contre la Perse, Aristide fut choisi par la Grèce entière pour taxer chaque ville selon ses moyens.