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droite et à gauche, pour voir si d’eux-mêmes ils ne tomberont point par bonheur sur la vertu. Veux-tu un autre exemple ? Le même Périclès, chargé de la tutelle de Clinias, frère cadet d’Alcibiade que voici, de peur que ce dernier ne corrompît son jeune frère, prit le parti de les séparer, et il mit Clinias chez Ariphron[1], et prit soin lui-même de l’élever et de l’instruire. Mais qu’arriva-t-il ? Clinias ne fut pas là six mois [320b] que Périclès, ne sachant qu’en faire, le rendit à Alcibiade. Je pourrais en citer une infinité d’autres, qui, avec beaucoup de mérite, n’ont jamais pu rendre meilleurs ni leurs propres enfans, ni les enfans d’autrui. Voilà les motifs qui me font croire, Protagoras, que la vertu ne peut être enseignée ; mais aussi quand je t’entends dire le contraire, je suis ébranlé, et je commence à croire que tu dis vrai, persuadé que je suis, que tu es homme d’une grande expérience, ayant appris beaucoup de choses des autres, et en ayant trouvé beaucoup par toi-même. Si tu peux donc nous démontrer clairement que [320c] la vertu est de nature à être enseignée, ne nous cache pas un si grand trésor, et fais-nous-en part, je t’en conjure.

  1. Frère de Périclès, et avec lui tuteur d’Alcibiade, selon Plutarque, Vie d’Alcibiade.