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sortis meilleurs de son vaisseau qu’ils n’y sont entrés, ni pour le corps, ni pour l’âme. Il raisonne de la sorte : si quelqu’un dont le corps est travaillé de maladies considérables et sans remède ne s’est pas noyé, c’est un malheur pour lui de n’être pas mort, et il ne m’a aucune obligation. Et si quelqu’un a dans son âme, qui est beaucoup plus précieuse que son corps, une foule de maux incurables, est-ce un bien pour lui de vivre, et rend-on service à un tel homme, en le sauvant de la mer, ou des mains de la justice, ou de tout autre danger ? Au contraire, il sait que ce n’est pas pour le méchant un avantage de vivre, parce que c’est une nécessité qu’il vive malheureux. Voilà pourquoi il n’est point d’usage que le pilote tire vanité de son art, quoique nous lui devions notre salut, non plus, mon cher ami, que le machiniste qui dans certains cas peut sauver autant de choses, je ne dis que le pilote, mais que le général d’armée, et tout autre, quel qu’il soit, puisqu’il est telle circonstance où il préserve des villes entières. Prétendrais-tu le mettre en comparaison avec l’avocat ? Cependant, Calliclès, s’il voulait tenir le même langage que vous autres et vanter son art, il vous écraserait par ses raisons, en vous prouvant que vous devez vous faire machinistes, et en vous y exhortant, parce que les