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la nature même des choses ou si elle n’est pas, en totalité ou en partie, un produit de notre imagination, un procédé inventé par l’homme, à l’origine, pour se retrouver dans la vie pratique et devenu par la suite indispensable pour lui. Avant tout, l’interdépendance causale est-elle absolument parfaite, irréfragable ou bien laisse-t-elle quelquefois place à des lacunes, à des solutions de continuité ?

Le première chose à faire est d’essayer de tirer au clair ces questions par la seule réflexion systématique. En fait, c’est ainsi que les ont traitées, des siècles durant, les esprits les plus éminents parmi ceux que l’histoire de la philosophie rassemble en donnant à leur commune tendance le nom caractéristique de « rationalisme ». Il nous est facile de comprendre ici que tout dépend du point de départ choisi ; car rien ne naît de rien et, sans antécédents déterminés, aucune conséquence généralement ne peut suivre. C’est pourquoi les philosophes du rationalisme s’attachent d’abord pour la plupart à l’Être par excellence absolument déterminant, à la Divinité, après quoi ils déduisent de ses attributs la réponse aux problèmes fondamentaux qui les intéressent. On ne saurait considérer, en aucune façon, les attributs de la divinité, comme connus et définis ; tout au contraire, les conceptions idéales les plus élevées revêtent des couleurs très différentes selon les différentes personnalités qui les introduisent dans le cercle de leurs pensées. Il s’ensuit que es résultats obtenus sont très différents aussi, ou, en d’autres termes, que chaque système philosophique de ce genre reflète seulement, en fin de compte, l’image personnelle et religieuse que son auteur se fait de l’univers.

D’après René Descartes, souvent présenté comme le père de la philosophie moderne, Dieu a créé toutes les lois de la nature et de l’esprit par un acte de sa libre volonté pour des fins si élevées que notre humaine pensée n’est pas capable d’en saisir toute la valeur. Aussi le système cartésien n’exclut-il nullement les miracles ni les mystères.

À l’opposé, le dieu de Baruch Spinoza est un dieu de l’harmonie et de l’ordre. Il pénètre tout ce qui se passe dans l’univers de telle sorte que la loi de l’interdépendance causale universelle doit être tenue elle-même pour divine et par conséquent absolument parfaite et irréfragable.