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forme de toute une série de propositions s’enchaînant les unes aux autres. On pourrait donc comparer une théorie à un organisme compliqué dont les parties sont liées intimement et de multiples façons, aussi toute attaque portant sur un point aura sa répercussion en plusieurs autres, peut-être très éloignés du premier. On peut donc s’attendre à des contre-coups pas toujours faciles à prévoir. D’autre part, toute théorie étant la résultante de plusieurs propositions, s’il y a un insuccès, il sera en général possible d’en faire remonter la responsabilité à plusieurs et, par suite, il y aura aussi plusieurs moyens de remettre la théorie d’accord avec l’expérience. Ordinairement, quand on a fini de discuter le problème, on aboutit à deux ou trois propositions ayant jusqu’alors fait bon ménage à l’intérieur de la théorie et dont au moins une doit être sacrifiée pour pouvoir maintenir l’accord avec les faits. La lutte entre ces propositions dure souvent des années, voire des dizaines d’années, et la victoire finale signifie, non seulement l’élimination d’une des propositions, mais aussi, il ne faut pas l’oublier, la consolidation de celles qui ont été victorieuses ; ces dernières acquièrent, par là même, un rang plus élevé.

Or ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que dans tous les conflits du même genre qui ont éclaté récemment, tous les grands principes généraux de la physique sont demeurés victorieux. Ainsi en a-t-il été, par exemple, du principe de la conservation de l’énergie, du principe de la conservation de la quantité de mouvement, des principes de la thermodynamique, leur importance est devenue plus grande. Quant aux principes vaincus ils sont des postulats qui semblaient jusqu’alors avoir fourni à la physique une base solide ; mais c’était tout simplement parce qu’ils étaient regardés comme allant de soi, au point qu’on ne jugeait même pas nécessaire de les mentionner spécialement quand on n’oubliait pas tout à fait leur existence.

Si nous avions à résumer brièvement l’évolution la plus récente des théories physiques, nous dirions donc qu’elle est caractérisée par la victoire des grands principes sur des idées, certes profondément enracinées, mais surtout par la force de l’habitude.

Nous allons d’ailleurs maintenant entrer un peu plus