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Admettons un instant qu’il en soit bien ainsi et référons-nous à ce que nous a appris le coup d’œil circulaire que nous venons de jeter sur l’évolution de la physique, nous ne pourrons alors échapper à la singulière conclusion que la principale caractéristique de cette évolution a été d’éliminer de plus en plus complètement de la physique les éléments dont se compose véritablement l’univers. Pour être conséquent avec lui-même, il aurait fallu en effet que chaque physicien eût pris le plus grand soin de mettre à part sa propre conception de l’univers comme quelque chose d’absolument singulier et de totalement différent de toutes les autres conceptions. S’il arrivait que deux collègues de notre physicien, ayant entrepris indépendamment l’un de l’autre la même expérience, aboutissent à des conclusions tout à fait opposées (cela s’est vu quelquefois), il y aurait de sa part faute de logique, à prétendre que l’un des deux, au moins doit se tromper, car la divergence des conclusions peut très bien provenir de la diversité des représentations du monde, propres à chacun d’eux. Or, je vous le demande, y eut-il jamais physicien à se laisser aller à raisonner de si étrange façon ?

Je concède, très volontiers qu’une énorme improbabilité ne diffère pratiquement pas d’une impossibilité principielle ; mais je n’en maintiens que plus fermement, contre des attaques venant d’ailleurs toujours du même parti, que la théorie électronique et l’hypothèse atomique sont toutes deux justifiées et qu’elles ne pêchent pas par la base. Allant plus loin, je dirai même, et je ne suis pas le seul, que les atomes si peu que nous connaissons de leurs propriétés ne sont, ni plus ni moins réels que les objets terrestres qui nous entourent. Quand je dis qu’un atome pèse 1,6 × 10−22 grammes, cette phrase ne contient pas une connaissance d’un ordre inférieur à celle qui est contenue dans cette autre : la lune pèse 7 × 1025 grammes. S’il est évident en effet que je ne puis mettre un atome d’hydrogène sur le plateau d’une balance pas plus que je ne puis le voir, est-ce que je puis davantage y poser la lune ? Quant à la visibilité, on sait qu’il existe des astres invisibles dont on a pu cependant déterminer le poids avec plus ou moins d’exactitude. La masse de Neptune, il ne faut pas l’oublier a été mesurée avant qu’aucun astronome