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gination créatrice du savant dont l’assentiment ne sera donc pas purement rationnel, même si le mot foi est trop fort pour le caractériser. En tout cas, nous sommes en présence d’une activité dépassant en quelque façon le donné expérimental. De même que d’un chaos de masses séparées, sans aucune force ordonnatrice, il ne peut sortir aucun cosmos, de même aussi aucune science ne peut surgir de l’accumulation d’un matériel de faits, sans l’intervention d’un esprit fécondé par la foi.

Cette manière plus profonde de concevoir la science est-elle susceptible d’engendrer une conception de l’univers d’un intérêt vital ?

Pour répondre à cette question, le mieux sera de jeter un coup d’œil sur la vie des hommes qui ont fait leur, cette conception et qui lui ont consacré leur existence. Il y a des savants innombrables pour qui leur science a été le soutien et le réconfort continuel d’une vie extérieurement misérable. Tel Johann Kepler, dont nous célébrions naguère le 300e anniversaire. Vue du dehors, sa vie n’a été qu’une longue suite de cruelles désillusions. Il fut toujours accablé par le souci du pain quotidien et ne put jamais se libérer de la gêne. À la fin de sa vie nous le voyons même contraint de réclamer à la diète, siégeant à Ratisbonne, le payement du reliquat de sa pension impériale. Mais le moment le plus douloureux de cette existence fut certainement celui où il dut prendre la défense de sa propre mère accusée de sorcellerie. Ce qui l’empêcha de céder au découragement et le soutint ans ses travaux, ce fut sa science et, par là, nous n’entendons pas seulement l’accumulation de données numériques résultant de ses observations astronomiques ; mais la foi à un univers régi par des lois rationnelles. Il serait très instructif de comparer Kepler sous ce rapport avec celui dont il fut le disciple, Tycho de Brahé. Ce dernier possédait, en effet, les mêmes connaissances scientifiques que son élève, il avait à sa disposition le même matériel observations, mais il lui manquait la croyance aux lois éternelles. C’est pourquoi Tycho de Brahé est connu seulement comme un astronome de valeur, tandis que Kepler est considéré comme étant le créateur de l’astronomie moderne.