Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De même qu’un phénomène physique ne saurait être séparé, en principe, des instruments de mesure et des organes sensibles par lesquels on en prend connaissance ; de même aussi est-il impossible de séparer la science des savants qui l’édifient. De même que le physicien qui étudie expérimentalement un phénomène atomique en perturbe d’autant plus fortement le cours avec ses instruments qu’il cherche davantage à en pénétrer tous les détails ; de même que le physiologiste qui dissèque un organisme en ses parties les plus délicates endommage par ce fait cet organisme, de même aussi le philosophe qui pour juger une idée scientifique nouvelle se borne à déterminer dans quelle mesure cette idée peut être clairement comprise, a priori, entrave l’élan du progrès scientifique. C’est pourquoi le point de vue du positivisme qui rejette toute idée transcendantale est trop borné et le point de vue métaphysique qui méprise le détail expérimental, l’est également dans un sens opposé. Tous les deux peuvent se justifier et l’on peut s’y tenir en restant dans la logique ; mais, poussés à l’extrême, tous les deux paralysent le progrès scientifique, parce qu’ils écartent, a priori, certaines questions, à vrai dire pour des raisons opposées, la métaphysique, parce qu’elles sont déjà résolues ; le positivisme parce qu’elles n’ont pas de sens.

Il y a là deux tendances qui s’affrontent ; mais jamais aucune des deux ne pourra arriver à prévaloir définitivement contre l’autre. Nous voyons d’ailleurs que la tournure générale des esprits oscille sans cesse de l’une à l’autre. Il y a cent ans, la métaphysique prétendait à la domination universelle : on sait à quel effondrement lamentable a abouti cette prétention.

Le positivisme prétend à son tour à l’omnipotence, il n’y parviendra pas davantage. Sa force motrice latente, sa cohésion et les raisons de son succès se trouvent dans ses idées directives. Ce sont les idées qui posent les problèmes aux savants, ce sont elles qui l’aiguillonnent sans cesse dans son travail, ce sont elles qui lui ouvrent les yeux et lui font interpréter avec rectitude les résultats trouvés. Faute d’idées, toute recherche est sans plan et l’énergie qui y est déployée tourne à vide. Les idées, seules, font de l’expérimentateur un physicien, du chroni-