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de réclamer que tout candidat au titre de docteur en philosophie puisse faire preuve de connaissances spéciales, dans une science particulière au moins. Il importe peu que cette science soit une science de la nature ou une science de l’esprit ; mais il est essentiel que le futur docteur ait acquis par voie d’expérience personnelle une idée de ce qu’est la méthode du travail scientifique.

S’il est, en général, vite fait d’arriver à mettre en évidence la nullité des écrits de la première catégorie, la seconde, par contre, mérite plus d’attention ; car il s’agit d’auteurs qui doivent être tout à fait pris au sérieux, en raison des résultats excellents qu’ils ont obtenus dans leur spécialité. La division du travail scientifique entraîne une spécialisation de plus en plus étroite du savant ; aussi n’est-il pas étonnant que ce dernier éprouve de plus en plus vivement le besoin de jeter un regard au delà des frontières de son domaine propre. S’appuyant alors sur les connaissances qu’il y aura acquises, nous le verrons chercher à les utiliser dans une autre partie de la science. Il sera très porté à rattacher ensemble des domaines très éloignés par des associations d’idées qui lui sont familières et qui lui paraissent évidentes. Ces idées seront pour lui comme un pont, grâce auquel il transportera dans un domaine étranger le genre de lois auquel il est accoutumé dans sa spécialité ; et il s’en servira pour résoudre des questions encore pendantes. Chez les mathématiciens, les physiciens et les chimistes notamment, on trouve une tendance à appliquer les méthodes exactes de leurs sciences, à l’élucidation des problèmes de la biologie et de la psychologie. Mais, il ne faut pas l’oublier, pour qu’un tel pont idéologique ait une portée convenable, il ne suffit pas qu’un de ses piliers ait des fondations solides, il faut aussi que l’autre repose sur le roc ; sans quoi la construction ne répondrait pas à son but. Ou, pour parler d’une façon plus concrète, il ne suffit pas qu’un savant doué d’un esprit inventif, connaisse à fond sa spécialité ; il doit aussi, pour rendre fécondes des conceptions les plus vastes qui sortent de ce domaine, être familier, jusqu’à un certain point, avec les faits et les problèmes du nouveau domaine auquel se rapporte son travail actuel. Il nous semble même nécessaire d’insister tout particulièrement