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de prédire avec tant soit peu de sécurité, les transformations futures d’une idée scientifique quelconque. Est-il possible, même très approximativement, de parler de lois contraignantes quand il s’agit de l’évolution de ces idées ? Un coup d’œil rétrospectif pourrait presque nous permettre de conjecturer qu’il en est bien ainsi. Nous voyons, en effet, la plupart des grandes idées mener d’abord une existence cachée au milieu de l’incompréhension générale, elles ne sont tout au plus que soupçonnées par de rares savants trop tôt venus au monde ; plus tard seulement, quand l’humanité est devenue mûre pour ces découvertes, on les voit surgir brusquement au grand jour, comme par un coup de baguette magique. Il arrive souvent que les mêmes découvertes soient faites simultanément, en des lieux différents, par des savants travaillant indépendamment les uns des autres. Si l’on étudie, par exemple, l’histoire du principe de la conservation de l’énergie, on peut en découvrir la trace pendant des siècles avant son apparition proprement dite. C’est seulement au milieu du siècle dernier que ce principe a trouvé une formule scientifiquement utilisable, et cette découverte a été faite simultanément par cinq ou six savants, s’ignorant complètement. Il ne serait donc pas trop hardi d’avancer que si Julius Robert Mayer, James Prescott Joule, Ludwig August Colding et Hermann von Helmholtz n’avaient pas alors existé, le principe de la conservation de l’énergie n’en aurait pas moins été découvert peu de temps après. J’irai même plus loin et je m’aventurerai volontiers jusqu’à faire une supposition analogue, en ce qui concerne la naissance des théories de la physique moderne telles que la théorie de la relativité et la théorie des quanta, si je ne craignais de m’exposer au reproche de jouer le rôle d’un prophète du passé.

Je crois que ce qu’il y a de fatal dans l’évolution des idées susdites, provient de l’extension toujours croissante de la technique expérimentale et de la perfection de plus en plus grande apportée aux méthodes de mesure. Ce sont là les circonstances qui ont lancé, presque automatiquement, la recherche théorique dans une certaine direction.

Cependant, il serait insensé au plus haut point de s’ima-