Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une évolution d’idées scientifiques comme celle dont nous venons de parler est l’illustration d’un fait très général, bien qu’il puisse sembler un peu étrange au premier abord. Les grandes idées scientifiques n’ont pas coutume de conquérir le monde du fait que leurs adversaires finissent par les adopter peu à peu parce qu’ils finissent par se convaincre de leur vérité. Il est toujours très rare de voir un Saul devenir un Paul. Ce qui arrive le plus souvent, c’est que les adversaires d’une idée nouvelle finissent par mourir et que la génération montante s’y trouve acclimatée. Ici encore, s’applique l’adage : qui possède la jeunesse, possède l’avenir. C’est dire combien un enseignement approprié de la jeunesse est important au point de vue du progrès scientifique ; vous me pardonnerez donc si j’insiste un peu là-dessus.

Ce qui est enseigné à l’école est moins important que la façon dont on l’enseigne. Un seul théorème de mathématique, s’il est vraiment compris par l’élève, a plus de valeur pour lui que dix formules apprises par cœur, sans en comprendre vraiment le sens, même s’il sait les appliquer correctement. Le but de l’école n’est pas de façonner en vue d’une routine spéciale, mais de former des esprits capables de penser méthodiquement et avec logique. Il ne sert de rien d’objecter à ce propos, qu’en dernière analyse, on poursuit, non pas le savoir proprement dit, mais le pouvoir. Certes un savoir qui ne procure aucun pouvoir est sans valeur et une théorie n’acquiert d’importance qu’en vue de ses applications ; mais jamais aucune théorie ne sera susceptible d’être remplacée par une vulgaire routine qui restera toujours impuissante dans les cas qui sortent de l’ordinaire. C’est pourquoi la première condition pour la formation d’hommes vraiment capables est un enseignement préparatoire élémentaire mais approfondi, dans lequel l’accent sera mis, moins sur l’abondance des matières que sur la façon dont elles sont traitées. Si cette préparation n’est pas acquise à l’école, elle ne saurait l’être plus tard : les écoles spéciales et les universités ont en effet d’autres tâches à remplir. Du reste, le but suprême de l’éducation ne consiste pas à emmagasiner des connaissances théoriques, ni à développer des capacités pratiques, il