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nos actes à un manque de pénétration intellectuelle, défaut que les progrès de la culture pourraient arriver à supprimer, est donc une grave erreur. Il y a en physique, une erreur tout à fait parallèle, c’est celle qui consisterait à expliquer l’impossibilité où nous sommes de déterminer simultanément la position et la vitesse d’un électron par l’imperfection de nos méthodes de mesure. De même, l’impossibilité de donner une explication causale de nos actes futurs, ne résulte pas d’un manque de pénétration ; mais simplement de ce que, pour étudier un objet, il ne convient pas de se servir d’une méthode par laquelle cet objet est modifié.

L’homme pensant ne pourra donc jamais trouver dans le principe de causalité un motif suffisant de décision pour son activité volontaire. Il devra faire appel à une autre loi : la loi morale ; mais, avec cette loi, nous sommes sur un tout autre terrain où il n’est pas possible d’accéder par la méthode scientifique.

La pensée scientifique requiert toujours que le sujet pensant et l’objet pensé soient distants l’un de l’autre. Or, cette distance, c’est dans l’hypothèse d’un esprit idéal, toujours sujet, jamais objet, qu’elle sera le mieux observée.

Mais, dira-t-on, cette interdiction de faire de l’esprit idéal un objet pour notre pensée, ne constituerait-elle pas un renoncement peu satisfaisant et ne serait-ce pas payer trop cher le maintien du déterminisme ? À cette objection, je répondrai que ce prix est bien moins élevé que le prix dont les indéterministes devraient payer l’application de leurs idées sur la constitution de l’univers. Les indéterministes sont, en effet, obligés de mettre encore beaucoup plus tôt, un terme à notre appétit de connaissance, car ils renoncent, a priori, à établir des lois même quand il s’agit de cas particuliers.

Une telle dose de résignation est si étonnante que l’on peut se demander pourquoi il y a aujourd’hui tant de physiciens dans le camp des indéterministes. Si je ne m’abuse, c’est sur le terrain psychologique qu’il faut chercher l’explication de ce fait. Toutes les fois qu’une idée nouvelle très importante apparaît dans la science, elle est soumise aux épreuves les plus diverses et, si elle s’est montrée féconde, on s’efforce d’en faire le fondement de