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la plus stricte, trouvent leur couronnement dans l’hypothèse d’un esprit idéal pénétrant à fond les secrets des forces naturelles et aussi les phénomènes de la vie psychique, qu’il s’agisse en tout cela du passé, du présent ou de l’avenir.

Qu’advient-il alors du libre arbitre de l’homme ? Est-ce que cette hypothèse ne le supprime pas en dégradant l’homme au point d’en faire un automate exsangue ? Ceci est une question trop pressante et trop importante pour que je puisse me dispenser de prendre ici brièvement position à son égard. À mon avis, il n’y a pas la moindre contradiction à admettre simultanément l’existence d’une causalité stricte, entendue comme nous venons de le faire, et l’existence d’une volonté humaine libre. Le principe de causalité, d’une part, et le libre arbitre d’autre part, sont en effet des questions de nature essentiellement différente. L’hypothèse d’un esprit omniscient est, nous l’avons vu, nécessaire à la compréhension d’un devenir régi par une causalité stricte ; la question du libre arbitre est une question qui s’adresse à notre conscience personnelle ; notre propre témoignage est donc seul à pouvoir la trancher. Affirmer que l’homme est doué de libre arbitre, c’est, tout simplement, dire qu’il a le sentiment intime d’être libre. Lui seul est donc à même de dire s’il en est bien ainsi. Or rien de tout cela ne s’oppose à ce que les motifs qui le poussent à agir soient parfaitement connus d’un esprit idéal. Se sentir, pour cela, diminué dans sa dignité morale, c’est oublier le niveau suréminent où se situe l’esprit idéal dont il est question, si on le considère par rapport à l’intelligence humaine.

La preuve la plus frappante qui puisse être donnée de l’inapplicabilité du principe de causalité à notre propre volonté, consiste à essayer de prédire nos actes et leurs motifs en se basant sur ce même principe. Nous savons a priori, qu’une telle tentative est vouée à un échec total. En effet, toute application du principe de causalité à notre propre volonté, agit en raison des connaissances nouvelles qu’elle nous apporte, comme un motif d’action et, par suite, modifie le résultat cherché ; et ceci peut se poursuivre indéfiniment. Attribuer l’impossibilité où nous sommes de donner une explication purement causale de