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entier, ne peuvent exister que dans nos sens et, pourtant tout homme raisonnable est convaincu que le soleil ne perdrait pas la moindre fraction de son éclat, même si le genre humain tout entier venait à être exterminé. Nous croyons à l’existence d’un monde extérieur réel, bien que ce monde se dérobe à toute emprise directe de notre part. De même, rien ne saurait nous empêcher de croire à l’existence d’un esprit idéal, alors que nous savons néanmoins que cet esprit ne pourra jamais être un objet faisant partie du domaine de la recherche scientifique.

D’ailleurs nous devons bien nous garder de considérer cet esprit comme analogue en quelque façon à notre propre esprit ; nous ne lui demanderons pas comment il se procure les connaissances grâce auxquelles, il peut prédire exactement les événements futurs. Au questionneur trop curieux, il pourrait bien arriver de s’entendre répondre : « Tu ressembles à l’esprit que tu es capable de comprendre et non pas à moi » et si, malgré cette réponse, cet homme s’obstinait à repousser l’idée d’un esprit idéal, non plus comme illogique, mais comme insignifiante et superflue, on pourrait toujours lui opposer que les propositions se dérobant à toute logique ne sont pas pour cela toutes inutiles à la science. Un formalisme aussi peu clairvoyant serait bien propre à faire tarir la source où les grands physiciens, les Kepler, les Galilée, les Newton ont puisé leur ardeur dans la recherche. Pour tous ces hommes, le dévouement à la science a été, consciemment ou non, la conséquence d’une croyance inébranlable à l’existence d’un ordre raisonnable dans le monde.

Certes, une telle croyance ne se commande pas, pas plus qu’on ne peut imposer la vérité et interdire l’erreur. Cependant le seul fait que nous soyons en état de soumettre les événements futurs à nos pensées ne serait-il pas, une énigme incompréhensible s’il ne nous permettait, au moins, de soupçonner l’existence d’une harmonie entre l’esprit humain et le monde extérieur ? La question de savoir si cette harmonie est plus ou moins profonde, si elle s’étend à un domaine plus ou moins vaste est, logiquement parlant, d’importance secondaire. En tout cas, l’harmonie la plus complète, et par là même, la causalité