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des données ci-dessus et qui est à même de puiser au trésor d’une riche expérience. Autre sera encore la prédiction d’un météorologiste qui, en plus des données locales, dispose de nombreuses cartes soigneusement annotées et intéressant de vastes régions. Voici donc une série de prédictions dont le caractère de certitude va en croissant quand on passe de l’une à l’autre. Dans ces conditions, il est donc tout naturel de penser qu’un esprit idéal qui connaîtrait tous les phénomènes physiques d’aujourd’hui, jusque dans leurs moindres détails, pourrait prophétiser avec une certitude absolument parfaite, toutes les particularités du temps qu’il fera demain. Et il en irait de même pour tout autre sorte de phénomène.

Cette hypothèse est, en quelque sorte, une extrapolation, une généralisation ; il est impossible d’en démontrer le bien-fondé par voie de déduction logique ; mais il est tout aussi impossible de la réfuter a priori. Il ne faut donc pas la juger selon son contenu de vérité, mais selon sa valeur d’utilité. En se plaçant à ce point de vue, l’impossibilité où nous sommes de pouvoir formuler aucune prédiction exacte, aussi bien en adoptant les idées de la physique classique que celles de la physique quantique, nous apparaîtra comme une conséquence naturelle de ce fait que l’homme, avec ses organes sensoriels et ses instruments de mesure, est lui-même une partie de la nature, soumise, par conséquent à ses lois. Il est impossible de se placer en dehors d’elle ; alors que pour un esprit idéal, il n’existe aucune limitation de cette sorte.

On pourrait, certes, nous opposer que cet esprit n’est qu’une construction mentale et qu’en fin de compte, notre cerveau lui-même se compose d’atomes obéissant aux lois physiques ; mais un peu de réflexion nous montre que cette objection ne tient pas debout. Il est, en effet, indubitable que nos pensées peuvent nous mener très loin des lois naturelles connues de nous et que nous pouvons concevoir des phénomènes qui n’ont rien à voir avec la physique réelle. On ne saurait pas davantage affirmer que l’esprit idéal dont nous parlons ne peut exister que dans la pensée humaine et qu’il a son existence liée à celle de l’esprit pensant, car pour être logique il faudrait admettre aussi que le soleil, que le monde extérieur tout