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rainement pour être heureux et vivre en paix. La loi de causalité est ici incapable de fournir le fil conducteur qui serait nécessaire et il ne faut pas que l’homme compte sur elle pour échapper à la responsabilité morale qui lui incombe en vertu d’une autre loi. Cette autre loi n’a rien de commun avec la première, chacun la porte dans sa conscience, assez facile à connaître s’il veut s’en donner la peine.

C’est donc une dangereuse illusion que de tenter de se débarrasser d’une injonction morale importante, en disant que l’on ne peut se soustraire à une loi naturelle inéluctable. Un être humain qui croit que son propre destin est déterminé à l’avance par la fatalité, un peuple qui écoute les prophètes lui annonçant sa décadence en vertu de lois naturelles, montrent simplement, par là même, qu’ils n’ont pas été capables de susciter en eux une véritable volonté de monter toujours plus haut.

Nous sommes parvenus ici à un point où la science, elle-même, s’avoue incompétente ; car elle refuse de se laisser entraîner dans des domaines qui ne sont pas le sien. Le fait qu’elle soit capable d’une telle modestie devrait, ce me semble, nous donner une confiance encore plus grande dans les résultats qu’elle a acquis sur son propre terrain. Mais nous voyons aussi que les divers objets de l’activité humaine ne peuvent jamais être entièrement isolés les uns des autres ; car tout se tient de la façon la plus étroite. Nous étions partis d’une science spéciale, la physique, et, en nous occupant de questions purement physiques, nous avons été amenés à dépasser le monde sensible, nous nous sommes trouvés en présence du monde réel qui ressortit à la métaphysique. Ce monde, en raison de l’impossibilité où nous sommes de le connaître directement, nous est apparu comme quelque chose de mystérieux ; mais nos tentatives de le décrire nous ont permis cependant d’en soupçonner la beauté et la profonde harmonie interne. De là nous avons tout naturellement abordé des questions plus hautes : celles qui se posent à tout homme, s’il vient à méditer sérieusement sur le sens de sa propre vie.

Si parmi mes lecteurs il en est qui soient peu familiarisés avec la physique, j’espère leur avoir donné l’impres-