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consiste en ce que, pour le positivisme, les impressions sensibles constitutives des mesures sont les données élémentaires primitives qui forment le point de départ de toute science. Selon nous, au contraire, dans la physique véritable, les mesures doivent être considérées comme le résultat final plus ou moins complexe d’influences entre des phénomènes ayant lieu dans le monde extérieur et des phénomènes qui se passent dans nos instruments de mesure et dans nos organes sensoriels eux-mêmes. Trouver le fil conducteur qui permette de s’orienter dans un ensemble aussi complexe, est un des buts principaux de la science. C’est pourquoi il importe que toute mesure soit agencée convenablement ; car établir un dispositif en vue d’une mesure, c’est poser une question à la nature.

Mais, pour poser une question raisonnable, il faut nécessairement l’appui d’une théorie raisonnable. Il ne faudrait pas, en effet, se figurer que l’on puisse porter un jugement sur une théorie indépendamment de toute théorie. Il arrive souvent qu’une question qui possède un sens d’après une certaine théorie en soit dépourvue suivant une autre ; ou bien encore que le sens de la même question change en même temps que la théorie adoptée. Considérons, par exemple, la question de la transformation d’un métal vulgaire, comme le mercure en or. Au temps des alchimistes, cette question avait un sens profond, d’innombrables chercheurs ont sacrifié leur fortune et leur santé à la résoudre. Plus tard quand on admit la théorie de l’immutabilité des atomes, la question perdit son sens et quiconque en recherchait la solution était regardé comme un fou. Aujourd’hui la même question est redevenue d’une actualité aiguë depuis l’adoption du modèle atomique de Bohr, suivant lequel l’atome d’or ne diffère de l’atome de mercure que par la perte d’un seul électron ; et elle a été reprise par les moyens d’investigation les plus modernes. On le voit donc, dans le cas présent, comme dans tous les autres, l’essai prime l’étude. Car les essais qui n’ont obtenu aucun résultat, permettent, à qui les interprète correctement, d’arriver à la connaissance de vérités extrêmement importantes.

Nous avons vu la chimie scientifique sortir d’essais plus ou moins désordonnés effectués dans le but de fabriquer