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logue, avec cette différence, cependant que la crise n’est pas entièrement passée.

Du moment que le créateur d’une hypothèse a, de prime abord, toute liberté en ce qui concerne la façon d’envisager cette dernière, il lui est entièrement loisible de choisir à sa fantaisie les concepts et les propositions qu’il y introduira, à la condition qu’il n’en résulte pas de contradiction logique. Contrairement à ce que l’on soutient volontiers dans certains milieux de physiciens, il n’est pas exact que l’on ne puisse utiliser, pour l’élaboration d’une hypothèse que des notions dont le sens puisse, a priori, être défini par des mesures, c’est-à-dire, indépendamment de toute théorie. En effet, premièrement, toute hypothèse, en tant que partie constituante, de l’image représentative de l’univers, est un produit de la spéculation libre de l’esprit humain et, secondement, il n’y a absolument aucune grandeur qui puisse être mesurée directement. Une mesure ne reçoit, au contraire son sens physique qu’en vertu d’une interprétation qui est le fait de la théorie. Quiconque est tant soit peu familiarisé avec un laboratoire où l’on utilise des instruments de précision peut témoigner que, même dans le cas des mesures les plus directes et les plus exactes, par exemple celles d’un poids ou de l’intensité d’un courant, les résultats ne peuvent être utilisables qu’après avoir subi nombre de corrections dont le calcul est déduit d’une théorie et par conséquent d’une hypothèse.

Ainsi donc le créateur d’une hypothèse dispose de possibilités pratiquement illimitées, il est aussi peu lié par le fonctionnement des organes de ses sens qu’il ne l’est par celui des instruments dont il se sert. Par l’œil de son intelligence, il perçoit et il contrôle les phénomènes les plus délicats qui se déroulent dans un système physique ; il suit les mouvements de chaque électron ; il connaît la fréquence et la phase de chaque onde ; on peut même dire qu’il se crée une géométrie à sa fantaisie. Avec des instruments purement imaginaires d’une exactitude idéale ; il peut saisir à volonté les moindres modulations du devenir physique. Il peut, en pensée, exécuter les mesures les plus délicates et tirer de leurs résultats les conclusions les plus générales ; ces conclusions n’ont, au moins direc-