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Le rôle de l’univers des physiciens peut donc être caractérisé en disant qu’il doit mettre en relation aussi étroite que possible le monde réel et le monde sensible. Ce dernier est chargé de fournir la matière première nécessaire à la représentation du monde réel et l’élaboration de cette matière consiste essentiellement à débarrasser le complexe de nos impressions physiques de tout ce qui porte la marque de singularités individuelles ; de tout ce qui provient, soit de la structure de nos organes sensibles, soit de celle qui est propre aux instruments de mesure.

L’image représentative physique doit, a priori satisfaire à la condition, imposée par la logique, d’être exempte de contradiction interne entre ses diverses parties. Une fois cette condition remplie, toute liberté est laissée à l’artisan dans son travail descriptif. Il jouit d’une autonomie complète et il n’a besoin d’imposer aucune contrainte à son imagination. Ceci ne va pas, bien entendu, sans entraîner une forte dose d’arbitraire et d’incertitude ; c’est pourquoi la tâche du physicien est beaucoup plus difficile qu’il ne pourrait le paraître au premier abord à des esprits simplistes. Le libre pouvoir spéculatif du savant s’introduit déjà, dès sa première démarche qui consiste à intégrer dans le domaine d’une loi unique le résultat de mesures qui lui sont données séparément et sans coordination. Cette tâche est analogue à celle qui consiste à relier par une courbe un certain nombre de points isolés et l’on sait qu’il existe une infinité de courbes passant par chacun de ces points. Même dans le cas où l’on possède un instrument enregistreur doué d’un mouvement continu, qui peut tracer entièrement une courbe, jamais celle-ci n’est absolument précise, elle sera toujours constituée par un trait plus pou moins épais à l’intérieur duquel un nombre infini de points mathématiques pourront trouver place.

il n’existe aucune recette générale permettant de lever cette indétermination. Dans cet ordre d’idée, pour se tirer d’affaire, on fait toujours appel à des considérations d’un genre bien à part. On s’appuie sur un enchaînement d’idées grâce auquel on échafaude une hypothèse. En raison de cette hypothèse, la courbe cherchée devra satisfaire à un certain nombre de conditions, ce qui per-