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duit et réclame sa place sans se laisser déloger par quoi que ce soit. Et nous-mêmes, nous sommes en droit de croire à des possibilités illimitées, aux forces en sommeil les plus puissantes, à n’importe quel prodige, sans avoir jamais à craindre le moindre conflit avec la loi de causalité.

Ce qui vaut d’ailleurs pour notre propre présent, a la même valeur, d’abord pour notre propre avenir aussi bien que pour les autres événements futurs soumis à des influences venant de notre moi actuel. Comme l’avenir, en effet, se relie constamment au présent, notre propre avenir ne se laisse jamais saisir d’une façon purement causale ; et, de ce côté, il est permis à chacun d’entre nous d’accorder à sa fantaisie le plus libre cours et d’escalader dans ses projets d’avenir des sommets nouveaux, insoupçonnés. À cet égard, le domaine dans lequel la loi de causalité perd son importance, mieux qu’à un point isolé se compare à une formation conique dont la pointe plonge dans le moi actuel, tandis que le reste partant de là dans toutes les directions s’étend au loin dans l’avenir.

Il est à peine besoin d’insister sur le fait que la loi de causalité est pratiquement inutilisable, non seulement dans le cas dont nous venons de nous occuper, où c’est une question de principe, mais encore dans d’autres domaines beaucoup plus vastes. C’est ce qui apparaît surtout quand on cherche À l’appliquer à nos semblables. Il ne se trouvera, en effet, personne d’assez présomptueux pour se croire appelé à jouer vis-à-vis des autres hommes, le rôle d’un « esprit laplacien ». D’autre part cependant, nous sommes poussés, pour pouvoir entrer en relation avec nos semblables, à interpréter leur conduite d’un point de vue causal afin de pouvoir comprendre les motifs de leurs actes et de les influencer dans tel cas donné, selon nos désirs. Cela nous sera d’autant plus facile que leur intelligence sera moins développée et moins affinée que la nôtre. Inversement, il peut tout aussi aisément arriver, comme chacun de nous en a fait l’expérience dans son jeune âge, que, devant une personnalité supérieure, nous ayons l’impression d’un regard pénétrant en nous mieux que le nôtre en elle. Un sentiment d’insécurité nous saisit alors ; il nous faut mettre en garde contre des surprises et il en