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choses, tandis que le second découvre beaucoup plus de particularités ; mais ne possède, par contre, qu’un champ de vision relativement étroit sans pouvoir embrasser du regard tout le paysage. Tous deux, en se complétant l’un l’autre, peuvent se rendre de précieux services.

Naturellement, cette comparaison cloche comme toute autre, elle peut toutefois mettre en lumière la vocation et l’aptitude unique de la philosophie à formuler un problème déterminé et reconnu par elle comme fondamental ; mais aussi l’impossibilité où elle se trouve de le résoudre tout à fait sans équivoque, à moins de se procurer des informations par une enquête auprès des sciences particulières. Si le résultat de cette enquête venait à dicter une solution absolument déterminée, on pourrait incontestablement tenir cette solution pour décisive. C’est, en effet, le trait caractéristique d’une vraie science que ses découvertes s’imposent d’une façon générale, objective pour tous les temps et tous les peuples ; d’où il suit que ses résultats exigent qu’on les reconnaisse sans réserve et, en fin de compte, ils y parviennent toujours. Les progrès de la science ne sont pas moins décisifs et il devient à la longue impossible de les ignorer.

C’est ce qui apparaît d’une façon particulièrement évidente dans le développement pris par les sciences de la nature.

Que l’homme de nos jours, grâce à la télégraphie sans fil, envoie toutes les nouvelles qu’il veut jusqu’aux endroits du globe les plus éloignés en une minuscule fraction de seconde ; que, grâce aux avions, il s’élève dans les airs et survole de très haut les cimes des montagnes aussi bien que les mers ; que, grâce aux rayons de Röntgen, il explore l’intérieur de tous les êtres vivants et détermine même la position de chaque atome dans un cristal : voilà des opérations objectives de la science et de la technique, engendrées par elles et qui donnent des centaines de démentis au vieux Ben Akiba ; et devant lesquelles s’effondrent le savoir, tant vanté, de tous les sages, les artifices exercés durant des siècles par tous les mages et les enchanteurs. Qui voudrait encore, en présence de si palpables succès, fermer les veux et déraisonner sur un effondrement de la science ne mériterait pas qu’on le réfute