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ÉTUDES SUR L’ÉCOLE FRANÇAISE.


La Vue de Rouen, de M. Huet, se distingue par des qualités précieuses et surtout par l’étendue indéfinie de l’horizon. Il semble que la toile recule et s’agrandisse presque à chaque minute. C’est un grand art, j’en conviens ; mais la raison demande autre chose, surtout pour les premiers plans, et, dans la Vue de Rouen, les premiers plans ne sont pas assez soutenus, l’exécution est trop rudimentaire ; et puis, il faut se défendre d’un désir bien naturel, mais souvent condamnable, celui de semer à profusion les émeraudes, les rubis et les topazes ; il faut être plus sobre dans le choix des tons. La Vue de Saint— Cloud serait supérieure a la composition précédente, sans les figures, qui ne valent rien. J’aime la pâte, les lignes et le ton des arbres, de la plaine et du ciel ; seulement je regrette que l’auteur n’ait pas triché la réalité et supprimé les massifs taillés qui appauvrissent l’effet général. Son paysage composé est, à coup sûr, son meilleur ouvrage sous tous les rapports : il y a de la grandeur sans emphase, du calme sans sécheresse, de la poésie sans manière et sans obscurité. Les lignes sont harmonieuses, et la percée du fond, à droite, est bien inventée ; mais je regrette que la verdure du premier plan, à gauche, manque de solidité, absolument et relativement ; car les arbres qui couronnent les ruines, quoique plus éloignés, sont plus forts, et ne céderaient pas sous le doigt comme le gazon.

Il faut donc que M. Laberge fasse plusieurs pas en arrière, et que M. Huet s’attache plus sérieusement à la traduction de ses pensées.

Je voudrais pouvoir louer, sans restriction, M. Eugène Isabey, car son talent m’inspire une sérieuse sympathie : il y a deux ans, j’espérais qu’il renoncerait à l’improvisation, pour un travail plus lent et plus recueilli, Je faisais.