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x ne fus-je pas forcé d’embrasser dans la rue cette tendre mère qui n’osoit mettre le pied sur le seuil de la maison, d’où j’étois souvent obligé de m’esquiver pour voir à la dérobée la meilleure et la plus tendre des mères ! Ma tutrice étoit pourtant sa sœur, et même elle étoit dévote : mais l’avare manichéen concilie pour lui seul le dieu de l'or avec celui de la pauvreté. Que mon cœur auroit aimé cette tutrice, si elle l’eût voulu ! elle avoit de grandes qualités, des vertus, de la sensibilité, même plus que les êtres abâtardis par l'avarice n’en sont susceptibles ; mais je n’ai jamais pu oublier le mauvais exemple que sa conduite auroit pu n’inspirer contre ma mère. Elle m’aimoit à sa mode, car elle poussa l’épargne jusqu'à me refuser les premiers besoins de la vie. Dans un âge aussi tendre, j’étois dévoré par la faim et réduit à demander du pain à mes camarades ; et à ramasser ce que je trouvois