Page:Piron - Poésies badines et facétieuses, 1800.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais dis-moi donc, que servent à la reine
Tous ces trumeaux qu’elle a fait disposer
Près d’un sofa qui donne la migraine ?
Je te promets qu’elle eût pu s’en passer.
Est-ce, dis-moi, redoutant le murmure
Et l’œil perçant de la malignité,
Pour rétablir l’ordre de sa parure ?
De quoi s’occupe, hélas ! Sa Majesté ?
Je sais prévoir cette triste aventure ;
Presque jamais son rouge n’est ôté.
Rappelle-toi, ma Glycère, cette onde,
Où réparant les larcins du plaisir,
Tu rattachais ta tresse vagabonde
Que détachait aussitôt le désir.

Te souvient-il de ce jour, ma Glycère ?
(Ce jour était la fête de l’Amour.)
Pour le fêter, abandonnant la cour,
Nous fûmes seuls vers ce bois solitaire
Que tu sais bien, qu’à la cour je préfère.
Ah ! le beau jour, comme j’étais heureux !
Tout me semblait d’un fortuné présage :
Si je levais mes regards vers les cieux,
Je découvrais un azur sans nuage ;
Dans les forêts, les oiseaux chantaient mieux ;
Bien plus matin, la complaisante aurore
Me paraissait, en faveur des amours,
Verser des pleurs sur les parfums de Flore,
Et pour nous deux, avoir changé son cours.
Du frais zéphir, l’haleine était plus pure :
Un air plus doux rajeunissait les champs ;
Tout renaissait : l’aspect de deux amants