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Les gestes, les regards parlèrent,
Et tu les pris pour des désirs.
Tu t’abusais. Ciel, quel outrage !
En vain expirait ta fierté,
En vain l’amour livrait passage
À l’heureuse témérité,
Tu sais trop combien je fus sage !
Et cependant des feux de l’âge
J’ai toute la vivacité.
Je riais de ta dignité
Qui contrastait avec l’injure,
Du désordre de ta parure,
De ton maintien déconcerté :
Et tu vis, dans cette aventure,
Que la jeunesse et la beauté
N’ont qu’un pouvoir bien limité,
Sans le charme de la nature.

Combien te surpasse à mes yeux
La bergère douce et sensible,
Qui, par un attrait invincible.
Naïvement fait un heureux !
Ses baisers peignent son ivresse,
Sans ôter rien à sa candeur.
Succombe-t-elle ? sa faiblesse
La pare aux yeux de son vainqueur
Sans la moindre supercherie,
Elle s’embellit en aimant,
Et sa seule coquetterie
Est l’art de plaire u son amant.

Mais quels tableaux vais-je te faire ?