Page:Piron - Poésies badines et facétieuses, 1800.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ses jupes tous les jours devenaient trop étroites
Comme elle était des moins adroites,
Ses parents aussitôt s’aperçurent du cas.
Dieu sait quel bruit et quel fracas
Ce fut dans toute la famille !

Cependant le galant, quoique petit, mal fait,
Était riche ; ce point adoucit tout le fait.
D’abord, le père de la fille
Va proposer au suborneur,
D’épouser Zénogris pour sauver son honneur.
Épouser, est un sort où rarement aspirent
Ceux qu’amour n’a pas fait vainement soupirer,
Et c’est ce qu’à peine ils désirent,
Lorsqu’ils ont tout à désirer.
Aussi Christol (c’est le nom du jeune homme)
À ce triste propos n’eut garde de céder.
On supplie, on menace, on somme :
Le plus court fut donc de plaider.

Devant les magistrats, notre belle éplorée
Se plaint, montrant son ventre et son menton égal,
D’avoir été déshonorée,
Et demande qu’enfin par le nœud conjugal
Cette honte soit réparée.
Christol, d’une mine assurée,
Et fourbe, comme sont les hommes d’aujourd’hui,
Dit que le fait n’est pas de lui.
En cent façons, on tache de le surprendre :
Quelque parti qu’on puisse prendre,
Le drôle, adroitement, de tout sait se tirer.
« — Eh bien ! messieurs, — répond Zénogris désolée,