Page:Piron - Poésies badines et facétieuses, 1800.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


À de si doux transports vient succéder la plainte,
Qui fit bientôt place à la crainte :
Il fallait au plutôt retirer le serpent,
Et l’embarras était comment ;
Un tire-bourre en fit heureusement l’affaire.
L’animal encor furieux,
Ne sortit qu’avec peine, écumant de colère,
Quoiqu’il eût les larmes aux yeux.

Sur le lieu de sa sépulture
Il fut question d’opiner :
Pour en conserver la figure,
La Dame à l’embaumer paraissait incliner.
La Soubrette disait que ce serait folie,
Et que besoin n’était de l’enchâsser,
Tels animaux étant communs en Italie ;
Par la fenêtre enfin, elle le fit passer.

Une vieille dévote, en allant à l’Église,
(Car c’était, m’a-t-on dit, Noël le lendemain),
Trébuche et laisse échapper de sa main
La lanterne qu’elle avait prise ;
Le hasard fit qu’a ses pieds, le serpent
Tombe au moment qu’elle tâtonne ;
Pour sa bougie, elle le prend,
Le met dans sa lanterne ; ainsi Dieu n’abandonne
Ses serviteurs, — dit-elle, et sait les secourir.
Elle arrive à l’église, elle dit des premières
Ce que par cœur elle sait de prières ;
Mais bientôt a son livre il lui faut recourir.
Elle met sa bougie aux mains de sa voisine ;
Jusqu’à celles du clerc elle parvient enfin.