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Reposait, — si jamais on vit dans la nature
Un jaloux dormir en repos ;
L’amant arrive : il court dans les bras de sa belle.
Par des baisers, on prélude un moment,
Et las de ces faveurs » qui croissent son tourment,
Il en cherche une plus réelle.
L’infernale machine arrête ses plaisirs ;
Mais sa main fait mouvoir le ressort qui s’oppose,
Et découvre a ses yeux tout l’éclat de la rose
Dans le centre de ses désirs.
Le serpent qui tenta notre commune mère
Se réveille d’abord à cet aspect charmant.
Et leur fit inventer, dans cet heureux moment,
Les moyens de se satisfaire.
Que ne surmonte point un amour violent ?
Des deux ressorts, la belle en tenait un, l’Amant
Retenait l’autre, et dans cette aventure
Le serpent, sans trembler saisit la conjoncture,
Et se plonge à l’instant avec vivacité,
Dans le sein de la volupté.
À cette douce approche, on s’emporte, on s’oublie ;
On est prêt à perdre la vie ;
On ne pense plus ; mais on sent :
Et dans ce transport si puissant,
Le serpent, au milieu de l’ardeur qui l’anime,
Se voit la funeste victime
Des rasoirs échappés ; et cet endroit si beau,
Trône de ses plaisirs, en devient le tombeau.
Aux cris de l’homme, accourt la Soubrette tremblante :
Elle emmène l’Amant, tandis que son Amante,
Ignorant du serpent les mortels déplaisirs,
Jouit confusément de ses derniers soupirs.