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Talent de plus grande étendue,
Talent qui grossit chaque jour,
Les revenus du dieu d’amour.
Car toute matrone indignée
De n’avoir support ni lignée,
Et voyant que sans son mari
Le ruisseau d’amour est tari,
N’a qu’à râcler d’une main sûre
Ce précieux échantillon,
Ce doux ami de la nature.
Et puis boire de la râclure,
Bien infusée en un bouillon ;
Pas n’est besoin d’autre aventure.
Aussitôt ventre de grossir,
Langueur de se faire sentir :
Bref, pour les fruits du mariage
Bien plus utile est ce breuvage,
Qu’un époux froid et catharreux,
Le plus souvent encor goutteux,
Qui suivant l’usage ordinaire,
De l’hymen au geste glacé,
Auprès de sa femme placé,
Ne fait, hélas ! que de l’eau claire.

Ici, — dira quelque censeur,
Affectant un souris moqueur,
En pensant me mettre à la gêne, —
Si de votre saint ratissé,
Et dans un bouillon infusé,
Fille buvait à tasse pleine,
Dites-moi : du dévot outil
Bien ou mal arriverait-il ?