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AMANT DESSUS, AMANT DESSOUS.

CONTE.

Jadis, au temps de Philippe le Bon,
De tous plaisirs la Cour était l’asile ;
D’un magistrat de la cité de Lille
Jeunes seigneurs fréquentaient la maison ;
Bien est-il vrai que son épouse gente,
La jeune Alix, en était la raison.
Autre n’était autant qu’elle obligeante,
Des soupirants elle avait à foison.
Quoique l’époux fût homme difficile,
Si le menait sa femme par le nez ;
Et s’en faisaient maints bons contes en ville :
C’est des jaloux le sort d’être bernés.
Ainsi fut-il à bon droit, le bon homme,
comme je vais vous le conter en somme.

Madame Alix de ces femmes était,
Comme on en voit sans faire long voyage ;
De deux amants elle agréait l’hommage ;
À divers temps : l’un ; puis l’autre écoutait.
Comme au Palais, pendant la matinée,
Dame Thémis, son grave époux retint,
Par elle, fut l’heure à l’un d’eux donnée ;
Un certain jour, à huit heures, il vint.
Encore au lit la trouvant atournée,
On peut juger qu’il ne resta debout.
Bien plus grand clerc en ce point qu’Hyménée,
Amour régla cérémonie et tout.
Mais connaît-il ni règle ni mesure ?