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Avait contre elle, envoyé mainte flèche
Sans nul effet ; elle portait un cœur
Bien cuirassé ; si, que dans sa fureur,
Amour jura de venger cet outrage.
Mais ce courroux tomba sur son auteur ;
Agnès tourna tout à son avantage.

Dans la saison de l’aimable printemps,
Un jour, dit-on, de dimanche ou de fête,
Du tendre émail, dont Flore orne les champs,
La jeune Agnès avait paré sa tête.
Entre deux monts de roses et de lis,
Était placée une rose naissante,
Qui relevait leur blancheur ravissante,
Et recevait un nouveau coloris.
Dans un corset sa taille prisonnière
Pouvait tenir, sans peine, entre dix doigts :
Sous un jupon, d’une étoffe légère,
Un bas de lin, paraissait quelquefois
Tiré si bien, et si blanc à la vue,
Qu’on aurait cru voir une jambe nue :
Bref, dans l’enclos d’un soulier fait au tour,
Son petit pied inspirait de l’amour.
L’enfant ailé, plus espiègle qu’un page,
Comme j’ai dit, lui gardait une dent.
« Voici le temps, — dit-il, — ça, faisons rage,
« Et dérangeons tout ce vain étalage,
« Chez cet objet qui m’est indifférent. »
Aussitôt dit, il change de nature ;
Puce devient ; d’abord lui saute au cou,
Au front, au sein, à la main, fait le fou,
Laissant partout une vive piqûre.