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LA PUCE.

CONTE.

Le hasard seul, sans l’aide du génie,
Est quelquefois père d’inventions ;
Tel, est vanté pour des productions,
Qui n’y pensa peut-être de sa vie :
C’est ce que l’on voit tous les jours en chimie.
Nature tient tous ses trésors ouverts,
Aux ignorants aussi bien qu’aux experts ;
Le tout dépend d’en faire la rencontre :
Sans la chercher souvent elle se montre.

Nous le voyons par l’exemple d’Agnès,
Qui n’était fille à découverte aucune,
Mais qui pourtant, un matin, en fit une,
Que cent nonnains vanteront à jamais.
Voici le fait : Suivante d’une dame
Était Agnès ; farouche elle avait l’âme,
Non par vertu, mais par tempérament ;
Ainsi qu’on voit qu’il arrive à la femme.
Lorsque le ciel la traite durement,
La jeune Agnès passait pour fille sage ;
Elle était belle et n’avait que quinze ans.
Auprès d’Agnès, laquais du voisinage
Ne rencontraient que griffes et que dents.
Jeune marquis visitait la maîtresse,
Pour voir Agnès. Mais sans distinction.
Agnès, partout, implacable tigresse,
Égards n’avait à la condition.
Amour, pour faire à son cœur quelque brèche,