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Conte la chose ainsi qu’elle s’est faite.
« Pauvre sot ! — lui dit-on, — qui se plaignit jamais
« Qu’une fille fût trop bien faite ?
« Retourne-t-en, demeure en paix.
« Et fais gloire de ta blessure.
« Je connais des amants, même des plus huppés,
« Qui, maudissant dame nature,
« Voudraient bien, comme toi, qu’on les eût écorchés. »


LE JÉSUITE ET LE TABLEAU.


Un jésuite attentivement
Considérait une femme en peinture ;
Peinte elle était divinement,
Mais immodeste en était la posture ;
Elle était nue, et du bout de son doigt
Grattait ce que tout bon jésuite
Ne peut voir sans horreur, quand il a le cœur droit.
À cet aspect, le bon Père s’irrite,
Maudit le peintre et le pinceau
Qui fit un si vilain tableau.
« Il est vrai dit un janséniste,
Qui se trouva la par hasard, —
« Ce tableau, pieux moliniste,
« Mérite pour le moins la hart.
« Mais si cette Vénus, mon très-révérend Père,
« Tournait un peu plus le derrière,
« Et cachait son jansénius,
« Blâmeriez-vous alors le peintre et la Venus ? »