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Qu’il me reste un refuge ailleurs que dans tes bras,
Et qu’en m’abandonnant tu ne me livres pas ?
Que deviens-je s’il faut que ton sang se répande ?
Qui veux-tu, si tu meurs, cruel ! Qui me défende
Contre les attentats d’un mortel ennemi,
Plein du projet fatal dont ton cœur a frémi ?
S’il s’endurcit déjà contre une telle image,
Si, courant au trépas, tu crains peu qu’on m’outrage,
Respecte ta patrie, et daigne, au moins, songer
Aux maux où par ta mort tu vas la replonger.
Ta valeur n’aura fait qu’accroître nos misères.
La cruauté sans frein brisera ses barrières ;
Et, jointe à la vengeance, aura bientôt versé
Le peu de sang qu’ici ses excès ont laissé.
Amant peu tendre, appui téméraire et fragile,
Pernicieux vainqueur et victime inutile,
Va perdre, n’écoutant qu’un aveugle transport,
Ta reine, ton pays, ta victoire et ta mort.

gustave

Je serai, si l’on veut, un appui misérable,
Une aveugle victime, un vainqueur condamnable,
D’un regret volontaire un amant déchiré ;
Mais je ne serai point un fils dénaturé.
Ma vie, appartenant à qui me l’a donnée,
De remords éternels seroit empoisonnée,
Si, faute de l’offrir, l’oubli de mon devoir
Laissoit tomber un coup que j’aurois dû prévoir,
Que ma mère pour moi voit levé sur sa tête,
Que même à partager votre amitié s’apprête.