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Un désert est resté ; vaste et lugubre enceinte,
Où tout ce que la guerre épargna de héros
A péri dès longtemps par la main des bourreaux !
Mon père fut du nombre, et je viens de l’apprendre ;
Mais en vain je demande où repose sa cendre,
Et c’est m’apprendre assez que de son triste sort
L’horreur s’est étendue au-delà de sa mort.

adélaïde

Ton père fut fidèle et cher à sa patrie.
Pour oublier sa mort souviens-toi de sa vie,
Et te sers des conseils dont tu savois si bien
Combattre ma douleur quand je pleurois le mien.
Hélas ! Quels sont tes maux près de ceux que j’endure ?
Vois gémir à la fois l’amour et la nature ;
Car, enfin, sois sincère, en crois-tu Leonor ?
Qu’en penses-tu ? Son fils respire-t-il encore ?

sophie

Non, madame, sa mort n’est que trop avérée.

adélaïde

Cruelle ! Et quel témoin t’en a donc assurée ?

sophie

Le meurtrier poursuit son salaire à la cour.

adélaïde

Le même coup deux fois m’assassine en un jour.

sophie

Ce qui doit rendre encor nos regrets plus sensibles,
C’est l’espoir dont flattoient ses armes invincibles.